Bandeau du Laboratoire d'Informatique & Systèmes (LIS)

Avec BOMBYX, l’intelligence artificielle protège la faune marine

Le projet d’“éthoacoustique” développe l’instrumentation scientifique et les algorithmes IA, notamment dans le cadre de la Chaire IA ADSIL, pour l’acquisition de masses de données sur la mégafaune et l’antothropophonie du littoral
  • Contact : Hervé Glotin, équipe DYNI
La biodiversité marine s’effondre et les réserves halieutiques avec, impactant les cétacés qui en sont les super-prédateurs principaux. Ces sentinelles de la biodiversité marine de la Méditerranée sous forte pression anthropique doivent être mieux observées. L'observatoire BOMBYX permet de mesurer et de comprendre leurs comportements entre Marseille, Monaco (l’Italie à terme) et la Corse. Ces analyses participent à prévenir les risques de collisions entre mégafaune et navires. Le projet s’appuie sur le bilan de Bombyx1, placée par l'Université de Toulon (UTLN) au large du parc national de Port-Cros et Porquerolles (PNPC). La première bouée marine stéréo long terme au monde a suivi la population de cétacés de la région de 2015 à 2019. Il concentre aussi notre savoir faire des missions Sphyrna soutenue par la Fondation Prince Albert II de Monaco, les Explorations de Monaco et les résultats de la thèse de P. Best sur la bouée Bombyx2 (5 hydrophones et communication 4G pour la détection des cétacés en temps-réel). Afin d’observer plus en détail le comportement de la mégafaune en milieu anthropisé, nous proposons cet observatoire et thèses de doctorat et recherches dans le cadre de la Chaire IA ADSIL AID, pour corréler aux contextes océanographiques, les activités des cétacés sur une zone étendue de Cassis à Cap St Martin, et en Corse, cadrant avec les priorités de Pelagos France. Cet observatoire se construit avec la bouée Bombyx2 du projet FEDER GIAS MARITTIMO 2019- 2022, avec cinq hydrophones qui permettent d’envoyer en 4G ou Iridium les détections des cétacés, et dans de bonnes conditions leur observation en 3D dans un rayon d’environ 20 km . Malgré des objectifs ambitieux de réduction de la perte de biodiversité, l'évaluation de ses changements constitue un défi majeur. La surveillance acoustique passive (écoute des vocalises, biosonars ou clics des animaux sans interférence avec eux), échantillonne de mieux en mieux différents groupes d'animaux sauvages. Un des enjeux est d’observer la biodiversité sur de grandes séries temporelles, de larges bandes de fréquence, et de grandes surfaces ou volumes de milieux naturels sauvages, souvent peu accessibles ou échantillonnés. Une méthode consiste à distribuer des antennes de capteurs acoustiques synchrones, et d’optimiser des algorithmes par IA pour reconnaître et analyser les comportements d’animaux qui vocalisent ou cliquent. Le projet BOMBYX adresse depuis dix ans ce sujet interdisciplinaire, alliant électronique, IA, acoustique et biologie. Il a impulsé l’innovation d’algorithmes d’apprentissage de représentation de signaux bioacoustiques, et le développement d’instrumentations scientifiques dédiées pouvant embarquer ces nouveaux algorithmes IA. Ces innovations se déclinent maintenant sur des projets théoriques et nos observatoires à grande échelle comme la veille sur une décade de l’avifaune sur tout le Québec pour son ministère des forêts, nos bouées sous-marines bioacoustiques (Bombyx) pour prévenir les collisions cétacé-bateau et la pollution anthropophonique, la veille de tous les cétacés des Caraïbes pour l’Office Français de la Biodiversité. Ces recherches ont pour paradigme la surveillance de la biodiversité sur de grandes zones d'étude par un réseau de grappes de capteurs intelligents distribués à faible coût, à faible consommation, éventuellement synchronisés. Couplé à des représentations du signal apprises par IA, ce réseau ambitionne la détection, la classification, des taxons, et la localisation ou suivi 2D, 3D, d’animaux qui vocalisent. Ceci participe à en estimer la densité de population et leurs activités sans les perturber. Notamment cela améliore nos connaissances sur les milieux marins et leur faune, falaises, canyons profonds proches des côtes exponentiellement anthropisées et qui nourrissent l’humanité. Des fronts océaniques s’y forment, mouvements verticaux de la colonne d’eau, dynamiques complexes qui alimentent la chaîne trophique du plancton aux super-prédateurs. L’humain prend conscience de son implication dans la dégradation de ces gisements soumis à une pression anthropique de plus en plus forte. Nous nous centrons avec l’observatoire Bombyx sur la mégafaune de la méditerranéenne, car il ne peut y avoir de grands cétacés en abondance que si l’écosystème peut les nourrir. En revanche, la décroissance de leur population est un indice de la dégradation du milieu et des proies dont les cétacés dépendent. La préservation de ces espèces «parapluie» impose la préservation de l’ensemble de l’écosystème qui les supporte. Avec le développement d’instrumentations de précision, des questions émergent: où et quand déployer des capteurs et pour quelle performance ? Pour attaquer ce verrou nous simulons l'entièreté du système: de la génération de trajectoires d’animaux marins, intégrant des contraintes cinématiques et comportementales, à la chaîne “classification détection localisation” par IA, en passant par la modélisation de la propagation acoustique. Ce “Serious Game” génère, sur le superordinateur national Jean Zay, des scénarios réalistes et admissibles. Nous avons développé le premier modèle de reconnaissance automatique des transitoires bioacoustiques sous-marins à partir de leur forme d’onde, étendu actuellement à toutes les espèces de cétacés de l’arc Antillais pour l’Agence Française de la Biodiversité. Nous considérons aussi les traits d’effets Doppler voire micro-Doppler qui seraient utilisés par les cétacés, pour des applications de surveillance. Nous avons démontré l’atténuation de pollution pendant la Covid19, début 2020, des calanques à Monaco, sur 400 kilomètres de côtes : deux fois moins d’hydrocarbures dissous, l’anthropophonie proche de la côte diminuée de 6 dB RMS (niveau de bruit divisé par 4). Il en résulte des communications de cétacés durant le confinement estimées quatre fois plus longues en basse fréquence, probablement de meilleures chasses et reproductions. Le projet a surtout pour principal objectif l’écoute et la surveillance sans interaction des populations de cétacés plongeant en eaux profondes. Les individus sont donc étudiés au cours de leurs chasses en meute, collaborations bioacoustiques complexes abyssales. Les algorithmes bioacoustiques de DYNI permettent de calculer en trois dimensions, les déplacements et les orientations relatives des mammifères marins jusqu’à 1500 m de profondeur. Les émissions sonores sont vitales aux cétacés, non seulement pour communiquer, mais également pour se repérer et pour chasser. Cette extrême dépendance acoustique les rend vulnérables aux pollutions anthropophoniques qui suivent l’explosion du trafic maritime. Les données acoustiques acquises depuis des années forment un référentiel qui permettra de mesurer l’évolution concomitante de l’anthropophonie et des populations de cétacés même cryptiques. Ces recherches permettent de dépeindre le comportement des cétacés dans les abysses sur la base de leur écholocalisation, clic par clic. Cette haute résolution semble montrer par exemple que les cachalots construisent un maillage d’émetteurs-récepteurs distant d’environ 500 m les uns des autres. Ils useraient d’un principe de bio[1]multistatisme pour chasser: les informations engendrées par les sonars de chacun seraient partagées par tous… à l’instar des systèmes humains de chasse sous-marine. Les cachalots semblent plonger de manière synchrone par triplet, orientant leur sonar dans la même direction, pour une apnée de 45 minutes environ. Bombyx2 (B2), équipée de 5 hydrophones à l’instar des drones Sphyrna, localise les cétacés, estime leur cap et leur comportement (chasse ou déplacement rapide). Immergée par -30 m par son ballast, elle dispose d’une IA embarquée sur sa carte son. Elle détecte et entend les grands cétacés dans un rayon de 20 km. Elle calcule un bilan de ses détections et remonte automatiquement en surface envoyer un SMS par 4G au serveur SABIOD qui concentre les alertes à la Préfecture Maritime pour prévenir du risque de collision cétacé-trafic. Ces collisions sont dommageables pour l’économie, les compagnies devant mettre un navire en cale sèche pour vérifier son état, et létales pour les cétacés. En été 2022 la Côte d’Azur verra des B2 disposées tous les 40 km. Avec leur rayon de détection (20 km), elles forment le plus long réseau IA temps-réel du monde (250 km).